Le yuan faible, « meilleure arme protectionniste » de la Chine face à Trump
Pékin a choisi ses armes dans la bataille commerciale que les Etats-Unis ont déclenché contre la puissance chinoise. Le yuan a atteint son plus bas niveau depuis plus d’un an ce vendredi en séance : la monnaie chinoise a baissé de 0,28% par rapport à la veille, à 6,7943 yuans pour un dollar. En tout, elle s’est dépréciée de 7,6% face à la devise américaine depuis la fin mars.
« La dépréciation du yuan face au dollar [constitue] la meilleure arme protectionniste de l’Empire du milieu [et] la meilleure réponse des autorités chinoises à l’augmentation des droits de douanes des Etats-Unis sur les produits exportés par la République populaire » analyse Marc Touati, du cabinet ACDEFI.
La Banque populaire de Chine (BPC) a abaissé le taux pivot autour duquel le yuan est autorisé à fluctuer dans une fourchette de 2% pour la septième séance consécutive à 6,7671 yuans pour un dollar, soit son plus faible niveau depuis le 14 juillet 2017. La devise n’est plus qu’à 0,11 yuan de son record de mars 2011 qui n’avait pas vu la monnaie aussi basse depuis le printemps 2008.
« Le yuan a perdu plus sur les trois dernier mois que sur les 12 mois qui ont suivi la dévaluation de 2015. Cela donne une idée des dégâts » relèvent les stratégistes de La Banque Postale Asset Management.
[Evolution du cours du yuan par rapport au dollar depuis 2005, courbe en bleu. Crédits: Economie et Stratégies]
Ayant connu des fluctuations très importantes face au dollar depuis une décennie, le phénomène ne suscite pas encore d’inquiétude généralisée.
« D’un point de vue fondamental, nous pensons que le yuan est comme beaucoup d’autres devises, il peut monter ou baisser en fonction des perspectives macroéconomiques et d’autres éléments comme cela », précise M.K. Tang, économiste chargé de la Chine chez Goldman Sachs interrogé par l’agence Reuters.
D’ailleurs, la baisse continue du yuan ne va pas à l’encontre des anticipations de marché puisque les autorités chinoises ne semblent pas encore désireuses de l’enrayer comme en témoigne le comportement de la banque centrale chinoise.
« S’il arrive que les responsables monétaires [chinois] soient gênés parce qu’ils trouvent que cela devient excessif alors il est très probable que les autorités trouveront les moyens de stabiliser la devise », ajoute M.K. Tang.
Une arme au cœur des tensions commerciales
Le contexte de tensions commerciales aggravées entre la Chine et les Etats-Unis, avec l’imposition de droits de douane de 25% sur des produits chinois correspondant à 34 milliards de dollars d’importations annuelles, à laquelle la Chine a répliqué en visant le même montant d’importations américaines est sans doute à l’origine de la décision des autorités chinoises.
Cette réponse est ainsi considérée comme « une compensation non négligeable aux exportateurs chinois pour leur perte de compétitivité liée à la hausse des droits de douane américains », d’après Rajiv Biswas, économiste du cabinet IHS Markit sollicité par l’AFP.
Donald Trump s’est d’ailleurs inquiété à la télévision américaine de cette « chute libre » de la devise asiatique qui défavorise largement l’économie américaine au dollar fort.
« La Chine, l’Union européenne et d’autres manipulent leurs devises et taux d’intérêt à la baisse, tandis que les Etats-Unis relèvent leurs taux, alors que le dollar est de plus en plus fort à chaque jour qui passe – retirant notre important avantage concurrentiel. Comme d’habitude, pas une situation équitable» a réagi le président américain sur Twitter ce vendredi.
Cependant, à plus long terme, la poursuite de la baisse pourrait engendrer un climat d’incertitude préjudiciable aussi à l’économie chinoise puisqu’il sera plus difficile de maintenir la confiance des investisseurs étrangers dans l’achat d’actifs libellés en yuan. Elle alimente les craintes d’une diffusion des tensions commerciales au marché des changes. D’autant que la dévaluation a déjà produit des effets de contagion à nombre d’économies émergentes, comme en témoigne l’indice MSCI devises émergentes dont le cours a suivi celui du yuan.
[Cours des devises émergentes et du yuan depuis janvier 2017. Crédits: Bloomberg et LBPAM]
« Les investisseurs ne savent pas jusqu’où le yuan peut chuter », a fait valoir Ken Cheung, stratégiste sur les changes à la Mizuho Bank, cité par Reuters.
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