Catalogne. Six questions pour comprendre le référendum sur l’indépendance

Un homme montre un bulletin de vote devant le drapeau catalan. Barcelone, le 20 septembre 2017. AFP PHOTO / PAU BARRENA

Alors que les séparatistes ont convoqué un vote sur l’indépendance pour le dimanche 1er octobre, Madrid cherche à l’empêcher. Aura-t-il lieu ? Et si oui, que va-t-il se passer ?

1. Pourquoi un tel référendum ?

En mars 2006, le Parlement espagnol, alors majoritairement socialiste, approuve un nouveau statut d’autonomie de la Catalogne (loi régissant l’organisation institutionnelle de la région), réclamé par les nationalistes. Celui-ci renforce l’autonomie de la Catalogne – l’une des 17 Communautés autonomes que compte le pays. L’opposition de droite (aujourd’hui au pouvoir) dépose un recours devant le Tribunal constitutionnel (TC).

Quatre ans plus tard, le TC rend son verdict en annulant certains articles du nouveau statut, notamment celui qui fait référence à une “nation” catalane. “Des dizaines de milliers de Catalans protestent [alors] dans la rue, rappelle le quotidien El País, lors de la plus importante manifestation depuis le retour de la démocratie en Catalogne.” Leur slogan : “Nous sommes une nation, nous décidons.”

Le 9 novembre 2014, le gouvernement catalan organise déjà une “consultation” sur l’indépendance, qui n’obtient que 35 % de participation, dont 80 % de oui.

Les partis nationalistes de centre droit s’allient ensuite aux indépendantistes de gauche et d’extrême gauche en vue de réclamer l’autodétermination, et ils se présentent sous le nom de Junts Pel Sí aux élections au Parlement de Catalogne du 27 septembre 2015. Cette alliance remporte les élections en sièges mais pas en voix. Le Parlement autonome adopte une résolution qui défend “la création d’un État catalan”.

En juin dernier, Carles Puigdemont, le chef du gouvernement catalan, annonce la tenue d’un référendum pour le 1er octobre. Le Tribunal constitutionnel suspend cette décision.

2. Ce référendum est-il légal ?

Les séparatistes s’accrochent au principe d’“autodétermination” qui serait supérieur à tous les autres. Mais un tel référendum n’est pas prévu par la Constitution espagnole. Et le gouvernement, comme la plupart des partis d’opposition à Madrid, n’a aucunement l’intention de changer la Constitution, un processus par ailleurs particulièrement complexe.

Pour l’Association des professeurs de droit international, citée notamment par Eldiario.es, “la Catalogne n’est pas une entité qui dispose d’un droit de séparation reconnu par le droit international”. Et de citer notamment des résolutions de l’ONU et une jurisprudence selon lesquelles “le droit des peuples à l’autodétermination est seulement envisageable dans le cas de peuples de territoire colonial ou soumis à la domination étrangère”, ou quand “l’identité ethnique, religieuse, linguistique ou culturelle est persécutée”. Ce qui n’est pas le cas en Catalogne.

3. Quelle est la question ? Qui peut voter ? et où ?

“Voulez-vous que la Catalogne soit un État indépendant sous la forme d’une république ?” C’est la question qui sera posée dimanche aux Catalans des dernières listes électorales en vigueur, en l’occurrence les personnes qui avaient 18 ans révolus à la fin de mars.

En théorie. Puisque personne n’est sûr que le référendum aura lieu, Madrid faisant tout pour l’empêcher. “Ce qui n’est donc pas prévu, c’est la publication du recensement électoral dans un lieu public (normalement dans les mairies), écrit le site Infolibre, qui permet [habituellement] aux partis politiques et aux particuliers de déposer des réclamations.”
Des locaux seront mis à la disposition des électeurs par les mairies prêtes à collaborer – environ 700 – ou par le gouvernement autonome dans les municipalités qui s’y refusent – les 200 restantes, qui comptent parmi les plus peuplées. Un autre problème sera, poursuit Infolibre, “l’absence plus que prévisible de scrutateurs des partis opposés à l’indépendance, ce qui laissera la supervision du vote aux mains des partisans de la sécession et réduira donc les garanties [de transparence] sur le processus.”

4. Qu’ont fait Barcelone et Madrid ?

Les 6 et 7 septembre, le Parlement catalan a adopté deux lois : l’une sur le référendum, l’autre, dite de “transition juridique”, censée prendre effet dès lundi. Le but : gérer la période qui précédera l’approbation d’une Constitution.

Entre autres choses, la loi sera considérée comme “la norme suprême” qui définit “une république de droit, démocratique et sociale”, et établit les critères de la nationalité catalane, “qui pourra être partagée avec la nationalité espagnole, précise El Independiente, tandis que l’armée espagnole cessera d’exercer des compétences sur le territoire catalan”.

La capitale, elle, a réagi sur le terrain judiciaire. Les lois des 6 et 7 septembre, considérées comme illégales, ont été suspendues par le Tribunal constitutionnel. Le 20 septembre, sur ordre de la justice, la Garde civile a arrêté 14 hauts fonctionnaires du gouvernement autonome – ils ont été relâchés depuis – et a perquisitionné des dizaines de bâtiments à Barcelone, ce qui n’a pas manqué de déclencher des manifestations.

Dix millions de bulletins de vote ont été saisis, ainsi que tous les comptes du gouvernement autonome. Mais la Garde civile – dont les effectifs ont été renforcés en Catalogne tout comme ceux de la police nationale – n’a toujours pas retrouvé les urnes. C’est le “secret le mieux gardé”, écrit El País, qui ajoute que “le gouvernement pense qu’elles sont à l’étranger”.

Le Bureau électoral central, formé de séparatistes, censé organiser le référendum et proclamer les résultats, a été forcé à démissionner sous la menace judiciaire de 12 000 euros d’amende. Enfin, le Tribunal supérieur de justice de Catalogne a ordonné aux forces de police de fermer tous les bureaux de vote ce week-end.

5. Que peut-il se passer ?

Personne ne le sait. Aucune des parties ne veut céder. “Tout est possible, écrit le site nationaliste Elnacional. cat, même l’arrestation du président du gouvernement autonome. Les souverainistes vont devoir reconnaître que l’on ne pourra pas voter d’une façon normale. Voter n’est plus la question ; essayer de le faire, oui. Si on ne les laisse pas entrer dans les bureaux de vote, les gens occuperont les rues et n’en bougeront pas.”

“Personne ne nous arrêtera”, a déclaré le chef du gouvernement Carles Puigdemont. Lequel a prévu de proclamer l’indépendance – si le référendum récolte une majorité de oui – le 4 octobre.

6. Que dit l’Union européenne ?

Alors que les séparatistes catalans ne souhaitent qu’une chose, rester dans l’Union, Bruxelles a réitéré, ces derniers jours, sa fin de non-recevoir. Dans une interview à La Vanguardia, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, explique que l’UE “respectera ce que disent le Tribunal constitutionnel et le Parlement espagnols”.

Il est clair, a-t-il ajouté que, “si la Catalogne se sépare de l’Espagne […], elle ne pourra devenir le lendemain membre de l’UE. Elle devra suivre le processus d’adhésion comme tous les membres qui sont entrés après 2004”.

Le même ton a été employé par le président du Parlement européen, Antonio Tajani : “Un nouvel État indépendant se convertirait en un pays tiers de l’UE et les traités ne s’y appliqueraient plus.”

Source : Courrier International

Publié le

octobre 3, 2017

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