Euro fort, inflation faible : le dilemme de la BCE

Sources : la tribune.fr  07/09/2017
Jean-Christophe Catalon
La Banque centrale européenne maintient ses taux inchangés et défend sa politique monétaire accommodante, malgré les critiques. L’euro fort est « une source d’incertitude » a reconnu Mario Draghi, alors que la BCE a abaissé ses prévisions d’inflation pour 2018 et 2019. La date et les modalités de sortie du programme d’achat de dette par la BCE seront annoncées le mois prochain.

Le rendez-vous est enfin fixé concernant la sortie du programme d’achat de dettes, dit d’assouplissement quantitatif (« quantitative easing » ou « QE » en anglais). « Nous annoncerons l’essentiel des mesures en octobre », a confirmé ce jeudi le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, lors d’une conférence de presse. La prochaine réunion de la BCE aura lieu le 26 octobre.

Francfort avait déjà indiqué en juillet qu’il dévoilerait ses intentions à l’automne et, à cette époque, les analystes s’attendaient même à des annonces dès septembre. Depuis, le président de la BCE n’avait pas lâché le moindre indice sur ses intentions, notamment au sommet des responsables des banques centrales à Jackson Hole le mois dernier. L’appréciation récente de l’euro – qui a pris 10% depuis janvier avec un pic à 1,20 dollar fin août – a inquiété le Conseil des gouverneurs sur les potentiels effets aggravants d’un resserrement de la politique monétaire. Pour l’instant, sans le faire dévier de ses intentions sur le QE.

« La récente volatilité du taux de change représente une source d’incertitude qui doit être surveillée, notamment ses potentiels implications sur les perspectives de stabilité des prix à moyen terme », a indiqué Mario Draghi dans son discours introductif.

L’euro a flambé de 0,8% après les annonces de la BCE, repassant le cap des 1,20 dollar.

Plusieurs scénarios de sortie sont à l’étude, mais lesquels ?

Concernant les modalités de sortie du QE, Mario Draghi a confié que le Conseil avait « discuté d’une série de scénarios, des avantages et des inconvénients de la durée et du volume », mais sans en dévoiler davantage.

« Nous avons fait un premier tour de table destiné à poser des questions sur les différents scénarios. Plutôt que de formuler des préférences, cette première discussion a permis de rassembler les questions et de peser le pour et le contre », a-t-il précisé.

La banque centrale se réserve même la possibilité d’augmenter ses rachats d’actifs si nécessaire.

« Si les perspectives deviennent moins favorables ou si les conditions financières ne permettent plus de nouvelles avancées vers un ajustement durable de l’évolution de l’inflation, le Conseil des gouverneurs se tient prêt à accroître le programme en termes de volume et/ou de durée », a expliqué la BCE dans son communiqué.

Responsable de la gestion obligataire de Condriam, Nicolas Forest estime que la BCE va certainement continuer à acheter des titres en 2018, mais à un volume de 40 milliards d’euros par an, avant de stopper son programme au deuxième semestre. Pour l’instant, le volume mensuel d’achats est de 60 milliards d’euros jusqu’à la fin de l’année 2017.

Les taux bas survivront au QE

Au-delà de l’avenir du QE, la BCE a laissé une fois encore inchangés ses taux d’intérêt, historiquement bas, à zéro pour son principal taux directeur, à 0,25% pour le taux de facilité de crédit et à -0,4% pour le taux de dépôt au jour le jour. Mario Draghi a même insisté sur l’intention de l’institution de les « laisser aux niveaux actuels pour une période étendue, qui dépasse largement l’horizon [du] programme d’achat de titres », autrement dit du quantitative easing.

Francfort se montre confiant sur sa stratégie. La croissance vigoureuse et généralisée de la zone euro est encourageante, la BCE a d’ailleurs relevé ses prévisions de 1,9% à 2,2% pour 2017. Mais l’inflation reste toujours faible, et l’appréciation récente de l’euro aggrave la situation. Résultat, la BCE a revu à la baisse de 10 points de base ses prévisions d’inflation pour 2018 à 1,2% et 2019, à 1,5%. En revanche, l’inflation sous-jacente (calculée sans les valeurs volatiles comme le prix de l’énergie) présente des signes d’amélioration.

Mario Draghi entend donc maintenir une politique accommodante pour continuer d’accompagner la croissance, tout en soutenant l’inflation qui peine à remonter. Pour rappel, le rôle de la BCE est de maintenir l’inflation à un niveau inférieur mais proche de 2%.

Une ère sans inflation ? Mario Draghi n’y croit pas

Cet optimisme de Francfort sur un remontée assurée de l’inflation ne convainc pas tout le monde. Les prix ont du mal à remonter malgré un taux de chômage très faible aux Etats-Unis et une situation de l’emploi qui s’améliore en Europe. La raison ? La hausse des salaires est insuffisante. La Fed en fait elle-même l’observation dans son Livre beige, publié mercredi.

Certains économistes avancent l’idée d’une période prolongée de faible inflation. Interrogé sur l’éventualité de ce phénomène, le président de la BCE a immédiatement balayé cette hypothèse. « Absolument pas ! » s’est-il empressé de répondre.

Selon lui, la reprise de l’activité va progressivement résorber la sous-utilisation des capacités productives. D’autre part, les facteurs à l’origine du retard des salaires – qui dépendent « essentiellement des négociations salariales, des stratégies des syndicats qui veulent stabiliser les acquis sociaux plutôt que de négocier des hausses de salaire, mais aussi de l’évolution de la productivité, etc. » – vont « bientôt disparaître » et favoriser une convergence du taux d’inflation avec l’objectif de la BCE, a assuré Mario Draghi.

« Je ne vois pas de risque systémique »

Cette détermination à poursuivre cette politique monétaire accommodante non-conventionnelle risque de ne pas plaire à ses détracteurs et ceux qui souffrent des taux ultra-bas. A la veille de la conférence de presse de la BCE, le patron de Deutsche Bank John Cryan appelait à en finir avec « l’argent pas cher en Europe ».

« Nous voyons maintenant des signes de bulles dans de plus en plus d’endroits sur le marché des capitaux, à des endroits où nous ne les attendions pas », avait-il souligné.

Interrogé sur cette question de l’instabilité financière, Mario Darghi n’a pas nié le risque. « Oui, certainement c’est un danger », a-t-il répondu. « Mais est-ce qu’on observe un risque de bulle ? Moi je ne vois pas de risque systémique. »

 

septembre 7, 2017

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