L’addiction aux écrans numériques
Quel sera l’impact à terme de la consommation à outrance des écrans ? Les dirigeants d’Apple, Google, ou Twitter ont eux-mêmes interdit l’usage des nouvelles technologies à leurs enfants par crainte des effets néfastes sur leur développement. Une expérience a été menée en Angleterre dans quatre familles…
Vidéo 1 : Grand format : quand les écrans sont une drogue (20 Heures France 2 du samedi 03/02/2018)
L’expérience a été menée dans quatre familles parfaitement banales des temps modernes, c’est-à-dire où des enfants ont les yeux rivés sur leur tablette. L’objectif est d’observer ce qui les poussera à quitter leur écran des yeux, alors qu’autour d’eux, la réalité change. Les parents sont complices de l’expérience. Débuts modestes avec changement des tableaux aux murs, qui ne suscitent aucune réaction. Plus audacieux, la mère de famille est échangée avec une inconnue portant la même couleur de vêtements. Les enfants ne remarquent toujours rien. Comble de l’indifférence, de faux frères et soeurs, parfaits inconnus eux aussi, s’installent à table sans le moindre détournement de regard de la part des « cobayes », captivés par l’écran. Il faudra attendre la coupure d’internet au moyen d’un brouilleur pour que les enfants découvrent que le monde réel autour d’eux a changé.
« C’est comme si vous lui donniez (…) un gramme de cocaïne »
Cette expérience menée par une marque alimentaire pour promouvoir les repas en famille a été réalisée sur un ton léger, mais sa démonstration est extrêmement préoccupante pour cette spécialiste des addictions : « Plus les enfants passent du temps devant les écrans, moins ils regardent directement les autres dans les yeux, et sans contact direct, on ne lit plus les codes sociaux. Donc ils n’apprennent plus à vivre en société », analyse Noel Janice Norton. « Il y a donc des effets directs sur le cerveau et l’apprentissage similaires à ceux qu’on observe avec n’importe quelle substance addictive, y compris les drogues ». Une vraie drogue, le mot est lancé. Au Royaume-Uni, une autre addictologue réputée est allée encore plus loin en déclarant dans une conférence : « Je dis toujours aux parents : quand vous donnez à votre enfant une tablette ou un smartphone, en réalité, c’est comme si vous lui donniez une bouteille de vin ou un gramme de cocaïne ».
Vidéo 2 : L’addiction aux écrans : »héroïne numérique »
Envoyé spécial. – 18 janvier 2018 (France 2)
Aujourd’hui, les scientifiques en sont persuadés : les écrans sont dangereux pour nos enfants. Ils agissent sur leur cerveau, leur concentration. En France, des médecins lancent l’alerte. Aux Etats-Unis, d’anciens salariés racontent comment les industriels entretiennent l’addiction aux jeux sur smartphone, et des scientifiques dénoncent leur impact sur le développement de l’enfant. Que se passe-t-il réellement face aux écrans ? Rayan a 3 ans. Pendant de longs mois, sa maman s’inquiète : toujours dans sa bulle, il ne parle plus et multiplie les crises de nerf. Un jour, un médecin conseille à cette maman ne plus jamais laisser son enfant regarder de comptines sur son smartphone. Rayan pouvait y passer des heures ! Au bout de quelques jours, sevré d’écran, Rayan redit « maman » pour la première fois depuis un an. Peu à peu, il redevient un petit garçon ouvert et joyeux. Une enquête d’Adèle Flaux et Paul Moreira diffusée dans « Envoyé spécial » le 18 janvier 2018
Addiction numérique : comment les écrans endommagent le cerveau
Les scientifiques sont de plus en plus nombreux à s’intéresser à l’addiction des plus jeunes aux médias numériques. Est-ce que ces pratiques modifient le cerveau ? « Absolument, répond sans hésiter le Dr Kardaras, interrogé par « Envoyé spécial ». Il y a une douzaine d’expériences d’imagerie cérébrale qui montrent que le cortex frontal rétrécit si vous passez trop de temps devant les écrans. » Ce psychologue expert en addictologie a écrit un livre sur l’addiction et les enfants qui a réveillé les Etats-Unis. Il va jusqu’à parler d' »héroïne numérique » dans un de ses ouvrages.
Quelles sont les conséquences de cette modification ? « Une personne qui a un cortex frontal rétréci et moins de matière grise devient plus impulsive, plus sujette aux addictions, plus agressive, développe le Dr Kardaras. Elle ne prend pas de bonnes décisions. Ses capacités aux enchaînements logiques sont altérées. »
Cortex frontal rétréci, lobe frontal affaibli…
Depuis cinq ans, les études sur l’impact des pratiques numériques sur le cerveau sont de plus en plus précises. La plus spectaculaire a été réalisée en Chine. Un scanner cérébral a été pratiqué sur une quinzaine d’adolescents présentant une addiction à internet – un fléau national, l’un des tout premiers problèmes de santé publique. Sur l’imagerie, dans les quinze jeunes cerveaux, des zones en rouge bien visibles montrent les voies cérébrales rétrécies, où la communication est très fortement ralentie. La circulation des fluides est altérée. Ces défauts de connexion peuvent causer des symptômes évoquant l’autisme ou les troubles bipolaires.
Pourquoi, même en connaissant ces dangers, est-il si difficile de s’arrêter ? Gary Small, neurologue un spécialiste du cerveau, l’explique : « Il y a une partie du cerveau appelée le lobe frontal. C’est le cerveau de la pensée. Il ordonne au circuit de la dopamine [l’hormone du plaisir… et de la dépendance] : ‘Ça suffit, tu devrais arrêter, parce que ça bousille ta vie !’ Mais parfois, le lobe frontal est affaibli par ces pratiques… »
Accros aux écrans : l’épidémie silencieuse (Source France Inter : jeudi 18 janvier 2018)
Passons la soirée devant un écran pour constater qu’on est accro aux écrans… Oui, la télé peut nous alerter sur le danger de la télé. L’enquête d’Adèle Flaux et Paul Moreira diffusée ce soir dans Envoyé Spécial, sur France 2, joue un rôle indispensable d’alerte et de santé publique. Au cœur du reportage, il y a une femme dont le combat et l’énergie forcent l’admiration : Anne-Lise Ducanda. Elle est médecin dans un centre de protection maternelle et infantile : une PMI de banlieue parisienne, où elle reçoit des enfants de 0 à 3 ans pour des consultations de routine. Depuis quelques années, elle a vu apparaitre une épidémie silencieuse, des symptômes récurrents : des enfants dans leur bulle, qui ne la regardent pas quand elle leur parle, qui ont souvent des retards de langage et des troubles du sommeil.
Épidémie silencieuse
Tous passent plusieurs heures par jour devants des écrans depuis le plus jeune âge. Et le plus frappant, c’est qu’il suffit de conseiller aux parents de couper tous les écrans pour que les choses commencent à s’arranger. Jamais de simples recommandations n’ont eu un effet aussi rapide, dit-elle. Le petit Rayan, 3 ans, qui a été déscolarisé après seulement 20 minutes en petite section de maternelle, qui ne parlait presque pas et ne regardait personne dans les yeux, s’est remis à prononcer le mot « maman » depuis que cette dernière a cessé de lui prêter son téléphone pour regarder des comptines. Anne-Lise Ducanda a créé un collectif avec d’autres professionnels de santé : des pédiatres, des orthophonistes, des psychologues. Tous veulent pousser les autorités à réagir. Ils demandent, avant tout, des études scientifiques pour aller plus loin que leurs constats de terrain. Car pour l’instant, en France, il n’en existe pas.
Nos enfants sont-ils trop exposés aux écrans ?
N’est-il pas un peu évident qu’il faille éviter d’exposer les jeunes enfants aux écrans ? Peut-être. Mais tout aussi évident que les dangers de l’alcool ou du tabac, qui font pourtant l’objet de messages de prévention. Les parents à qui le docteur Ducanda conseille de couper les écrans lui répondent tous, affolés : « Pourquoi ne nous a-t-on rien dit ? » Elle tient à ne surtout pas les culpabiliser, car la plupart ne pensent pas à mal : ils occupent le petit dernier avec une tablette le temps de s’occuper du grand ou de préparer le dîner. Ils ne s’imaginaient que c’était aussi dangereux.
Circuit de la récompense
La dépendance aux écrans ne concerne pas que les enfants. Nous sommes nombreux à avoir l’impression d’être accros aux réseaux sociaux. Ce que montre ce reportage, c’est que le moment est historique : des hauts dirigeants de cette industrie se mettent à parler et deviennent des lanceurs d’alerte. L’un des cofondateurs de Facebook, notamment, reconnait que le réseau social s’appuie, depuis le départ, sur le fonctionnement du cerveau et en particulier sur le circuit neuronal de la récompense. La récompense (par exemple la petite flamme que reçoit l’utilisateur de Snapchat s’il communique assidument avec ses amis) fournit au cerveau une dose de dopamine, qui est une hormone du bonheur, pour le dire très vite.
Un psychologue américain, expert en addictologie, utilise cette image : mon smartphone, c’est une pompe à dopamine, que j’ai en permanence sur moi, et qui permet de prendre un petit shoot de dopamine à chaque fois que je le consulte (un like sur instagramm, une flamme sur Snapchat, ou autre). Ces applications ont été pensées pour nous placer en situation d’addiction : en avoir conscience, c’est déjà un pas vers la cure de désintoxication. Quant au petit Rayan, il va beaucoup mieux aujourd’hui, même si tout n’est pas réglé. Alors qu’elle est interviewée dans son appartement, sa mère s’arrête de parler, soudain très émue : son fils de 3 ans est en train de parler dans la pièce à côté. Ça n’était pas arrivé depuis un an.
Article du New York Times du 22 octobre 2011 :
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